Origine de la bactérie tueuse
« La bactérie E.coli impliquée dans l’épidémie allemande serait une souche nouvelle, un hybride encore jamais rencontré, révèlent les premiers résultats du séquençage génétique. La source de l’infection demeure inconnue: les autorités allemandes remontent la piste du haricot mungo, cultivé en Allemagne.
L’histoire de l’origine de la bactérie tueuse
La bactérie impliquée dans l’épidémie de diarrhées hémorragiques et de SHU en Allemagne n’est pas une parfaite inconnue mais possèderait des caractéristiques nouvelles. Elle serait le fruit d’une combinaison entre des types différents d’Escherichia coli, selon les deux groupes qui ont commencé le séquençage de la bactérie isolée chez des patients en Allemagne. L’Université de Hambourg-Eppendorf travaille avec l’Institut de génomique BGI-Shenzhen en Chine et l’hôpital de Münster avec la société californienne Life Genomics.
Reprenons : il s’agit d’une bactérie Escherichia coli, productrice de toxines Shiga et provoquant des diarrhées hémorragiques –on parle donc d’E. coli entéro-hémorragique, ou ECEH. A l’intérieur de ce groupe de bactéries ECEH, les biologistes créent des sous-groupes d’après les réactions immunitaires que provoquent ces microbes (leurs antigènes déclenchant la production d’anticorps spécifiques par l’organisme humain). On parle alors de sérotype. O157 :H7 est le sérotype le plus fréquemment rencontré dans les flambées épidémiques liées à l’alimentation.
La souche isolée dans le nord de l’Allemagne appartient au sérotype O104. Elle n’a jamais été impliquée dans une épidémie. Etonnamment, cette souche aurait 93% de séquences génétiques en commun avec une autre E. coli, isolée en République de Centre-Afrique, EAEC 55989. Cette dernière appartient au groupe des Escherichia coli entéro-agrégatifs (EAEC ou ECEAgg en français) : il s’agit de souches provoquant des diarrhées persistantes chez les enfants (plus de deux semaines), de plus en plus fréquentes dans les pays en développement.
Life Genomics estime également qu’il s’agit d’une souche hybride entre une ECEH et une ECEAgg, une « combinaison unique de différents facteurs de virulence ».
Echange d’ADN entre bactéries
La souche aurait par ailleurs acquis des gènes impliqués dans le syndrome hémolytique et urémique (SHU), une évolution de l’infection par une bactérie EHEC qui touche entre 10 et 20% des patients en Allemagne depuis le mois de mai (520 cas de SHU dont 11 morts ont été recensés à cette date par l’Institut Robert Koch, plus un décès en Suède). Ces gènes auraient été acquis par transfert horizontal, d’après le BGI. Il est en effet bien connu que les bactéries peuvent acquérir de nouveaux gènes de deux façons : verticalement lors de la division des cellules et horizontalement par échanges avec d’autres souches. C’est ainsi que les gènes de résistances aux antibiotiques se diffusent dans les populations bactériennes.
Le séquençage confirme que la mystérieuse souche est résistante à plusieurs antibiotiques (ce qui signifie que leur efficacité est diminuée) : les aminosides (streptomycine, gentamicine…), les macrolides et les bêta-lactamines (pénicillines et céphalosporine). Cependant au stade du SHU, les antibiotiques ne servent plus à rien pour soigner le malade, qui souffre alors d’atteintes rénales et d’anémie, voire de complications neurologiques
Origine inconnue
Ces analyses sont préliminaires, d’autres résultats plus fouillés seront publiés ultérieurement. Pour le moment elles ne permettent pas de répondre à une question cruciale : d’où vient cette bactérie ? Si l’alimentation, en particulier les légumes crus, semblent être au cœur de l’épidémie, rien n’est tranché. Le concombre d’origine espagnole a été innocenté (la souche bactérienne n’était pas la même).
Les soupçons se portent désormais sur une ferme cultivant du haricot mungo, plus connu sous sa forme germée improprement appelée « pousses de soja ». Une exploitation agricole de Uelzen (Basse-Saxe) pourrait être une source de contamination par la bactérie O104:H4. Les analyses sont en cours, les conclusions devraient être connues mardi.
La bactérie emprunte peut-être un autre chemin pour infecter l’être humain. Ainsi, Flemming Scheutz, responsable du centre de référence des Escherichia pour l’OMS à Copenhague, souligne sur le site de la revue Nature que la souche n’a jamais été observée chez l’animal. « Il est possible qu’elle soit passée directement à l’homme depuis l’environnement » suggère-t-il. »
Source:
Cécile Dumas
Sciences et Avenir.fr
03/06/11
actualisé le 06/06/11